TERRE PELÉE
[Carnet de voyage 42 /52 de l'année]
La montagne a la boule à zéro. L’herbe est rasée par le vent. Pelée on dit. Comme si la terre pouvait perdre des lambeaux de peau quand elle a encore de l’herbe. Herbe rase. Courte. Des brins éméchés par les bourraques qui s’écrasent ici. Les collines sont rondes de tous ces sursauts de vent. Perte des angles. Réduction des reliefs. La roche a même fini par se rendre. Sortie sa tête, s’est laissée courber. Plus rien ne bouge que les chevaux. Courbés sur l’herbe rase. La crinière affalée par le souffle qui écrase. Ils dévorent les brins verts, pèlent encore la colline.
Être humain c’est croire quelque part que la nature nous appartient, qu’on peut la toucher et la transformer. On tend la main vers les chevaux brouteurs et ils reniflent l’erreur. Au petit trop, ils s’éloignent. On s’approche à petits pas. Ils s’en vont à grand trot, regard pugnace. On ne touchera pas les chevaux sauvages du Dartmoor. On va juste monter sur cet amas de pierres et se laisser fouetter le visage par le vent, comme les herbes là en bas, comme les roches arrondies et les collines pelées. On va faire comme tout le monde ici et laisser tranquillement courir les chevaux. Les regards pugnaces on n’aime pas ça. Et puis la vue est belle depuis les roches pelées.
🌟Ce texte est inspiré d'un séjour en Angleterre, dans le Dartmoor, au printemps 2018. Il s'inscrit dans le projet annuel "Carnet de voyage" : en 2018, je partage toutes les semaine un texte sur le thème du voyage sur ma page Facebook et ici sur le blog.
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