STORY ROOM 6

[Carnet de voyage 51/52 de l'année]

Explication :
Début décembre 2018, j'ai eu le plaisir de performer pour le 33e Hors Lits de Montpellier.
Lors de ces performances "STORY ROOM", j'ai écrit des textes en direct à partir de mots du public et projetés pendant leur écriture.
7 textes sont donc nés en interaction avec le public. Pour terminer l'année des Carnets de voyage, je vous propose ces voyages en écriture et en imaginaire…

Lecture des textes STORY ROOM - Comment ça fonctionne?
Entre crochets sont les mots donnés par le public au fur et à mesure de l’écriture.
Rappel: Chaque texte a été écrit en direct pendant 1/4 d’heure environ et projeté pendant son écriture. Il n'a pas été modifié.

STORY ROOM 6

[Aujourd’hui. 13h45. Il faisait beau. --- Des amis. Audrey, David, Yann, Baptiste. Ils ont la joie de vivre.. --- À Montpellier. Au Sénégal.]

Aujourd’hui, le 6 décembre, en début d’après-midi, à l’heure où les retardataires déjeunent et les oiseaux se taisent, vers 13h45 ou peut-être 47, un groupe de quatre amis se promenaient dans les rues de Montpellier.

Il faisait beau. On leur avait dit que le soleil se couchait rarement dans cette ville blanche. Et c’était vrai. (pas ce printemps, mais ça, ils ne le savent pas…)

Ils découvraient le Peyrou et sa vue qui court loin sur l’horizon.

Ça les amusait, en regardant vers les montagnes, vers le Nord, d’imaginer ce qu’il y avait au pied des collines, et plus loin aussi. De l’autre côté du château d’eau, ils ont découvert la mer. Un fin filet bleu qui réfléchissait le soleil.

— Et là-bas ? a demandé Audrey tout sourire. Il y a quoi ?

Ils sont partis en pronostic.

— Le Maghreb ! a lancé David.

Et puis les autres ont listé des pays d’Afrique : le Mali, le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Bénin, et tout au bout, tout au Sud : l’Afrique du Sud.

C’est quand ils nommé le bout de la terre, que Baptiste a ajouté :

— Au milieu, il y a le Sénégal. Au milieu, il y a ma mère. Il y a mon enfance.

— Tu nous en parles très peu, de ton enfance, murmura Yann. Pourquoi ?

— Peut-être parce que ce n’était pas une enfance comme les autres. Peut-être parce que j’aurais peur, si j’en parlais trop, qu’elle s’envole. Peur qu’elle me glisse entre les mains.

— Mais, qu’est-ce qu’elle a de si particulier, ton enfance, demanda Audrey. On a tous été petits, porté des couches-culottes, fait pipi au lit… Oui, qu’est-ce qu’elle peut bien avoir de différent ton enfance à toi ?

[Un chien fidèle. --- À bicyclette --- Pour s’évader.]

Baptiste n’a pas envie de répondre tout à fait mais devant le filet de mer, il finit par laisser des bribes sortir de ses souvenirs.

— C’était une enfance rouge. Une enfance ocre. Une enfance qui sentait la terre et ses possibles. C’était une enfance où les chiens faisaient de la bicyclette. Où les enfants s’accrochaient aux nuages. Une enfance où le lait maternel avait le goût de la mer. Une enfance, tu vois, qui ne se raconte pas.

Les trois autres l’écoutaient avec la bouche grande ouverte, comme on avale les secrets de la vie quand c’est trop lourd pour nos oreilles. Alors, Baptiste a osé continuer. Il a osé, pour la première fois, raconter son Sénégal sans quitter ce filet bleu plein de promesses – parce que la mer, au loin, elle lui promettait un retour à venir, un retour voulu et espéré.

[Bande de zouaves. --- Une balle de jonglage. --- Pouvoir voler.]

— Le chien, il tombait toujours de la bicyclette. On riait. On riait jusque dans nos ventres. Ma mère, elle gueulait sur le pas de la porte « bande de zouaves ! ça suffit comme ça ! rentrez immédiatement ! » Bien sûr, on n’écoutait pas. Les mères c’est fait pour ne pas être écoutées. On courait ensuite dans les rues, sur la terre rouge et ocre et toutes les autres couleurs, et on attendait que le soleil rejoigne l’horizon. C’était à chaque fois comme une balle de jonglage qui rebondissait de nuage en nuage jusqu’à disparaître, là-bas. Et la nuit, quand ce cirque était fini, on se couchait épuisés, et on s’envolait avec la balle, avec le chien sur roues, avec les bruits des vagues, jusque dans nos rêves.

  

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Le principe Hors Lits: des parcours de performances en appartement, un concept né à Montpellier et qu'on trouve maintenant dans le monde entier (http://www.horslits.com).
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🌟Ce texte s'inscrit dans le projet annuel "Carnet de voyage" : en 2018, je partage toutes les semaine un texte sur le thème du voyage sur ma page Facebook et ici sur le blog.

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