L'appel de mes 15 ans

J'étais allongée là, sur le canapé noir en simili cuir, les bras délassés par delà les accoudoirs
J'avais un livre d'Annie Ernaux au bout de la main gauche, au début encore
Une respiration après le premier chapitre
Mon regard se perdait sur les étagères tout autour de moi
Des livre d'hommes, principalement
Je les avais tous regardés la veille
Je fais toujours ça quand j'arrive quelque part
Là j'avais même légèrement sortis de leur rang tous ceux qui m'intéressaient
Une petite dizaine pour six jours
Je voyais grand, comme toujours, et alors?
Détendue, les yeux dans le vague, je ne regardais rien de précis
Mais quand j'ai tourné la tête je l'ai vu

Ce livre déjà aperçu mais pas même effleuré encore
Sous une pile, le titre à l'envers
On y lit "yourte" et "Mongolie"
Je n'ai pas voulu le toucher mais le livre m'appelle
La preuve, je ne remarque que lui, ses couleurs pastel sur sa tranche

La Mongolie
Le rêve de mes 15 ans

Les livres de photos feuilletés dans la bibliothèque du centre-ville les après-midis de week-end
Et toutes les BD inspirées de la vie de Gengis Khan
Il y avait la Mongolie, et la Nouvelle-Zélande
Un appel des grands espaces
De la nature à échelle monumentale
Des hommes sur les chevaux
Des moutons aussi
Et rien d'autre

Je n'y suis pas allée
Ni en Nouvelle-Zélande ni en Mongolie
Pourtant j'ai beaucoup voyagé - alors pourquoi?

En ce moment il n'y a plus l'appel du voyage
Il y a un refermement sur soi
Un mouvement de repli
Comme une sécurité après des années d'incertitudes
Moins bouger mieux se protéger
Comme si ça pouvait être vrai...
Je sais que prendre le livre c'est prendre un risque
Je sais que l'appel va revenir
Je sais qu'il a toujours été là
Je sais qu'il va suffire de quelques images pour que je reparte dans les steppes
Mais que faire d'autre quand un livre vous appelle?
Je ne sais pas être sourde aux mots

 

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