Simone Veil, et mon roman
Il m'a fallu une journée pour m'en rendre compte, pour entendre la nouvelle
Parfois on ne veut pas savoir
Et soudain c'est là:
Simone Veil est décédée
Comme toutes les femmes, je suis touchée
Comme toutes les femmes, je lui suis reconnaissante
Comme toutes les femmes, je mesure ce qu'elle a fait pour nous toutes
Comme toutes les femmes...
Ou presque
Car il y a un petit quelque chose en plus
Une pensée de raconteuse d'histoires
Une pensée d'autrice
Une autrice qui a basé l'époque de son roman sur le vote de sa loi
Tu ne le sais peut-être pas mais si mon roman se déroule en 1987 c'est parce que...
en 1987, un enfant y a 13 ans
Un enfant qui est donc né en 1974
Un enfant-poids que ses parents n'ont pas voulu
Que la faiseuse d'anges n'a pas pu retirer
Un enfant venu un an avant la dépénalisation de l'avortement
Il est question dans mon roman de ce moment-là
Du vote de la loi Veil
De cette femme debout face à des hommes au centre de l'Assemblée
De cette femme qui porte pour toutes les autres un tournant législatif et sociétal
Et les personnages découvrent ensemble, avec la une d'un journal, avec leur enfant non désiré dans les bras, la nouvelle
La vie qu'ils ont ratée et qu'ils auraient, à un an près, pu avoir
J'ai eu envie de raconter cette histoire-là
Cette histoire proche
Cette histoire que portent toutes les femmes simplement parce qu'elles sont femmes justement,
parce qu'elles ont appris à connaître le poids de leur sexe
L'histoire de l'enfant non voulu qui reste, qui naît, qui dessine les contours d'une vie non voulue elle aussi
On connaît tou.te.s quelque part cette femme-là
Cette femme devenue la mère qu'elle n'avait pas souhaité être
J'ai eu besoin de replonger dans ce passé proche
Quarante ans, c'était hier!
De rappeler ce que c'est quand il n'y a pas le choix
De rappeler le poids de la vie imposée
J'ai eu besoin de sonder mes questionnements de femme
Mon empathie pour les générations avant nous
Et pour celles qui vivent dans le même monde que nous, mais derrière d'autres frontières
J'ai choisi de montrer l'enfant que la grand-mère interdit d'avorter
L'enfant qu'une femme impose à une autre
Qu'une mère impose à sa fille
J'ai choisi cette image-là pour sa violence, pour l'émotion qu'elle porte
J'ai cherché à creuser le renoncement à sa propre vie
La défaite de soi à soi
C'est de cela finalement dont il s'agit en filigrane de ce roman noir, en filigrane d'une enquête policière
Le combat d'une femme contre elle-même, contre une société, une époque
C'est une époque révolue
Révolue ici et maintenant
Mais c'est une époque dont il faut se souvenir et parler
Parce que, comme l'a dit la grande femme de lettres Simone de Beauvoir
"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."
Les droits qui sont les nôtres ici et maintenant n'existent pas dans de nombreux pays du monde,
n'existent même pas dans toute l'Europe (Irlande, Malte)
Ces droits sont souvent remis en cause (cas récent en Espagne et en Pologne) et sont souvent très stricts
Il faut parler pour se souvenir
Et écrire
Toujours
Spoiler alert:
En photos certaines pages du roman où il est question de la grossesse non désirée et de la loi Veil