Un extrait de de poème est paru sous le titre "Fin d'elle" dans la Revue Souffles (n° 254-255, Nourriture&Gourmandise, printemps 2017)
F(A)IN(\) D’ELLE
EUX
les paupières en tombant ont effacé les images solaires
pour que les corps se replient mieux sur eux-mêmes
dans les draps suants, les muscles démêlés se reposent
seins détendus – verge détendue – dorment en silence
*
IL
l’amour le creuse
quelque part sous le nombril
il a tout brûlé consommé avalé
lui qui voudrait continuer à naviguer a sué toute son eau
marin sans mer – une seule terre en vue
*
ELLE
l’amour l’a remplie
quelque part sous le nombril
elle a tout ingurgité consommé avalé
elle navigue à vue sur des eaux qui s’apaisent
devient île bercée par ses flots
*
IL
qu’à s’accrocher à la terre
qu’à se nourrir de ses fruits
panser la faim – surtout : panser la faim !
et plus penser
*
IL/ELLE
sur l’oreiller voisin / ses cheveux roux
contre sa main / sa fesse molle
ELLE/IL
Rêve Rêve Rêve / Faim Faim Faim
Dort Dort Dort / Mange Mange Mange
*
F(A)IN(\) D’ELLE
il panse sans plus penser
sa faim est devenue raison
les vermicelles roux ont un goût de sucre tendre
il les avale sans ciller
l’appétit – ce satané ! – vient en mangeant
il le cale avec une brioche grumeleuse, peau d’orange et mie fondante
s’enfile ensuite un cuissot bien gras
la couenne glisse dans l’œsophage
il ne résiste pas à ces ailes blanches, les petits os craquent sous ses dents
saveur doucereuse en accompagnement d’un lait aigre
l’estomac est plein mais la gourmandise en éveil
il peut bien alors en prendre encore un morceau
un tout petit bout – ça par exemple
dans un repli d’algues, une perlière
le goût de mer lui monte à la tête
l’huître, il en fera son dessert
*
ELLE
un coup de coude et elle sort du sommeil
disparition de l’île, disparition de la mer
près d’elle, il rêve agité
plus de repos possible à l’abri des draps
elle ira le chercher à la cuisine, dans la douceur d’un plat
en se levant, elle enfile sa culotte
de loin, elle l’entend tiquer de la langue
le goût de mer lui a filé entre les doigts
Merci à Miss T. de m'avoir prêté sa tourelle pour écrire. C'est là qu'est né ce poème.