Les hirondelles sont parties, elle a dit. On était encore en août alors elle a insisté, Je les ai vues ce matin sur le fil. On est allées à la fenêtre, le fil électrique un trait sur l'horizon, vide d'oiseaux. Un doigt levé elle a raconté leur danse en vortex, leur cri d'appel à la migration. On a attendu devant le ciel vide. Elle a cru bon d'expliquer, Elles sont déjà en route. Je les imaginais, fronde sur une médina. L'Afrique, terre d'accueil des oiseaux.
Comme pour lui donner raison, on n'a même pas vu ce jour-là une aile noire sortir d'un trou. Tout au plus un moineau sautillant, un roucoulement de pigeon, un cygne sur l'étang. Après elles sont revenues. Et elles sont restées encore deux mois.
C'était la première fois qu'elle se trompait.
Dans le potager ahuri de chaleur, on a ramassé deux seaux de haricots-rames debout sur des tabourets à trois pieds. Rien ne s'enfonçait dans la terre craquelée qui cherchait l'air et l'eau par toutes ses bouches béantes, pas même les tabourets avec nous dessus.
Nos visages plissés par la lumière prenaient le soleil malgré les chapeaux en paille. Pas qu'il passait à travers le tissage, juste qu'il fallait lever le menton pour arracher les plus haut.
Ongles du pouce et de l'index sur les courtes tiges. Répétition du mouvement. Tension de l'épaule. Sur un fil, des draps blancs immobiles. Même l'arrosoir semblait fondre.
Equeutage des haricots. Dessus la nappe en plastique on faisait deux tas. Le tas des queues, le tas de ce qu'on mangerait. L'air redevenait respirable. Il n'avait pas encore fraîchi. Souvent, l'été, il ne fraîchissait pas, même la nuit. Il fallait s'accommoder de cette pesanteur pénible et lourde qui brûlait jusqu'aux poumons. Plus que les ailes des oiseaux pour faire des courants d'air. Et elle qui croyait que les hirondelles étaient déjà parties...