Marie-Jeanne
Ils ont tout essayé. Les peaux de banane séchées, les coquelicots en tisane, les pilules au pilon. Tout. Mais ça n'a pas fonctionné. Ils y reviennent encore.
C'est elle qui y va.
Les pieds nus sur le parquet sale, la poussière en moutons entre les orteils.
Marie-Jeanne.
Marie-Jeanne, t'en veux combien?
Elle n'a plus de nom. Elle vient si souvent qu'elle se métonymise. Elle même ne sait plus de toute façon.
Elle désigne du doigt des paquets posés là, sort de son soutien-gorge des billets frippés.
Tiens.
Elle finit le jour accoudée à la rembarde, le cul dans une culotte trop fine, et elle s'envole en volutes dans la savane écrasée de chaleur.
Sous le poids du ciel crevé d'étoiles, elle se réveille à elle, démonte le rêve du jour.
L'odeur de feuille cramée écrase le cendrier en même temps que ses poumons. Elle retourne à la rembarde, la même culotte au cul, une nouvelle savane dans le fond de l'oeil.
Marie-Jeanne.
Il l'appelle depuis les draps, un murmure chaud comme la nuit.
Elle ne répond pas, elle est devenue sourde à lui, n'entend plus que les baisers des girafons aux cous enlacés derrière un bougainvillier alourdi de bananes.
Marie-Jeanne...
La poussière du parquet s'est amassée en couche épaisse sous ses ongles noircis. Sa tong gauche a perdu son harnais le mois dernier. Elle retrouve avec la corne de ses plantes, des sols plus souples et des nuits plus longues.
Marie-Jeanne court encore pieds nus entre les herbes hautes.