85 ans de coiffure!


Toi, Strasbourgeois, habitant du quartier, promeneur de passage, écoute cette histoire.
Tu dois la connaître. 
Viens par-là! Regarde dedans!
Tu vois l'homme aux ciseaux?
C'est le fils de la fille du premier coiffeur de la rue de l'Yser.
Oui, tu as bien compté.
Ici trois générations se sont succédées.
Elles ont manié du bigoudi et enroulé des mises en plis, coupé, effilé, coloré, défrisé.
Tour à tour, elles ont transformé tous ceux qui le désiraient, donné de l'allure, embelli les figures.
Architectes du visage, elles ont travaillé sur le vivant : le cheveu. Elles l'ont sculpté et peint et, parfois, lui ont même appris à danser.
Et tout en coiffant, elles ont écouté, patiemment, tous les récits qu'on leur a contés.
Parce qu'ici, en même temps que leurs cheveux, ceux qui sont entrés ont laissé des histoires, leur histoire.
Si! Rappelle-toi!
Lorsqu'on te teignait les mèches avant Noël tu as raconté les cadeaux emballés et cachés, déjà alignés sous le sapin décoré, au chignon de mariage tu as narré la belle-famille en même temps que la robe choisie, à la coupe de printemps c'était tes vacances de pâques et à la couleur de septembre tes souvenirs d'été.
C'est ainsi que cent ans d'histoires ont passé.
Cent ans du quartier.
Car avant toi sont venus d'autres, du temps déjà où la rue n'était entourée que de champs, du temps où Strasbourg n'était pas celle que tu connais.
Imagine...
Dans ce salon trois générations ont coiffé des milliers de bébés. Encore roses et étonnés, ils ont fixé de leurs yeux ronds ces mains affairées à couper leur épis premier. Ici sont passés au moins autant d'écoliers pour leur rentrée, et des jeunes gens avant un rendez-vous galant, même des futurs mariés amourachés et des travailleurs à la veille de leur embauche. De tout âge d'autres sont venus, pour un événement important, ou chaque semaine, pour ajuster une frange, aligner des boucles, ou s'oublier le temps d'un shampooing, des doigts connaisseurs au bout des tempes brassant leurs idées en même temps que les bulles.
Alors tu le vois, l'homme aux ciseaux ?
C'est Marc. 
Il est là depuis plus de quarante ans.
Et avant Marc c'était Yvonne, et Erwin. Et avant Yvonne c'était Philippe, et Juliette.
Tout ça, c'est la quatrième génération qui te le dit, celle qui ne connaît pas l'art du cheveu mais qui a grandi ici aussi, au milieu des coupes, des couleurs et des histoires, tes histoires.
Rentre maintenant que tu sais.
Tes cheveux aussi ont besoin d'entendre ce que seule connaît la main experte du fils de la fille du premier coiffeur de la rue de l'Yser.

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