Strasbourg caniculaire
 

Place de la cathédrale des touristes enchapeautés et encasquetés se tordent la nuque pour contempler la dame de grès rose jusqu'à la flèche tandis que d'autres, mentons vers l'avant, jouent de la langue autour de boules de glace dégoulinantes. 

Non loin de là, le grand défilé des robes légères et des shorts en coton étale ses chairs dégradées entre Kléber et Gutenberg. D'une statue à l'autre, le galbé des jambes s'imprime sur celui des arcades, la nonchalance des démarches sur celle des oiseaux assommés de chaleur, réfugiés à l'ombre des feuilles des platanes.
Livre en main, notre renommé inventeur local de l'imprimerie - selon les dires des écoles primaires du coin - trône bien au-dessus des rires de Mayence et de la Chine - ou du moins les Strasbourgeois l'espèrent, allez savoir pourquoi! 

Entre les écluses valseuses de l'Ill, des bateaux-mouche à la queu-leu-leu glissent le long des colombages inondés de géraniums et des verrières institutionnelles. C'est grâce à elles que la ville se dit capitale européenne - contre l'avis des Bruxellois! s'il vous plait! Vieux débat alors j'en ouvre un nouveau : ont-ils seulement la clim sous ces serres flottantes, je vous l'demande!

Des serviettes de plage se partagent les brins d'herbe grillés sur la pelouse du Wacken et certains ont même descendu la chaise longue sur les quais entre Les Halles et République - je vous assure, je l'ai vu de mes yeux vu!
De l'Orangerie à Illkirch, des essaims criants d'enfants s'éparpillent au pied des fontaines ; en culottes ou en couches ils courent tout brillants et ruisselants après des courants d'air imaginaires.

Au sortir du dôme miroitant de la gare, chemisiers déboutonnés et sandalettes ornées d'orteils peints flânent déjà dans l'air lourd de la ville qui les a assaillis depuis le marchepied du train. La chaleur fait fondre toutes les vitesses et anéantit toutes les volontés.

Rue des Hallebardes, à cheval sur une bicyclette, un vent salvateur fouette les visages et soulève les cheveux. Salvateur? un leurre ! C'est un vent chaud, qu'offre Strasbourg caniculaire, un vent qui brûle et qui assèche, un vent de feu et de soleil.
Personne n'en parle mais moi je sais! c'est le vent du Sahara qui coule dans la ville, le même que ces jours trop rares où les voitures sont couvertes d'orange, ces jours où le vent d'ailleurs est venu déposer sur l'Alsace, serti dans son sable scintillant, ses rêves et ses promesses.

 

 

 

 

 

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